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CEDH : Art 11 de la convention - droit d'association des militaires - violation - communiqué CEDH

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CEDH : Art 11 de la convention - droit d'association des militaires - violation - communiqué CEDH Empty CEDH : Art 11 de la convention - droit d'association des militaires - violation - communiqué CEDH

Message  Rédaction X Jeu 2 Oct 2014 - 21:09

Communiqué de la Cour

Liberté d'association – article 11 CEDH – application aux forces armées / militaires / gendarmes – l'interdiction de la liberté d'association professionnelle des militaires est incompatible avec la convention – violation


AFFAIRE MATELLY c. FRANCE  (Requête no 110609/10)  et ADEFDROMIL c. FRANCE (32191/09) arrêts du 2 octobre 2014 – 5ème section

CEDH : Art 11 de la convention - droit d'association des militaires - violation - communiqué CEDH Banniy10
Crédits : Conseil de l'Europe


Le communiqué de presse et les compléments à destination de la presse publiés par la Cour



[...]

Principaux faits
Le requérant, Jean-Hugues Matelly, est un ressortissant français, né en 1965 et résidant au Plessis- Robinson (France). Officier de gendarmerie, il exerce les fonctions de contrôleur de gestion de la région de gendarmerie de Picardie depuis 2005. Par ailleurs, il est chercheur associé dans un laboratoire rattaché au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
En avril 2007, fut créé un forum sur internet, intitulé « gendarmes et citoyens », que le requérant décrit comme un espace administré et modéré, destiné à permettre l’expression et l’échange entre les gendarmes et les citoyens. Fin mars 2008, une association baptisée « Forum gendarmes et citoyens » se constitua pour donner un cadre juridique à cet espace, M. Matelly en étant membre fondateur puis vice-président. Outre des civils ou des gendarmes retraités, d’autres militaires de la gendarmerie en activité participèrent à l’association en tant que membres, certains siégeant au conseil d’administration.
Le 6 avril 2008, le requérant informa le directeur général de la gendarmerie nationale de la création de cette association, dont il précisa que l’objet était centré sur la communication.
Le 27 mai 2008, au lendemain de l’annonce officielle de la création de l’association, le directeur général de la gendarmerie nationale donna l’ordre à M. Matelly et aux autres gendarmes en activité membres de l’association d’en démissionner sans délai. Cette autorité estima que cette association présentait les caractéristiques d’un groupement professionnel à caractère syndical dont l’existence était prohibée par l’article L. 4121-4 du code de la Défense, compte tenu de la mention faite dans la définition de son objet de « la défense de la situation matérielle et morale des gendarmes ».
Le 28 mai 2008, le requérant écrivit au directeur général afin de l’informer que l’association était prête à modifier dans ses statuts les mentions ambiguës au regard des obligations militaires. Le 5 juin 2008, le requérant démissionna de l’association. Le 26 juillet 2008, le conseil d’administration de l’association supprima de ses statuts la mention de « la défense de la situation matérielle et morale des gendarmes ».
Le 26 février 2010, le recours exercé à l’encontre de l’ordre de démission adressé au requérant et aux autres gendarmes en activité membres de l’association fut rejeté par le Conseil d’État.

Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant l’article 11 de la Convention (liberté de réunion et d’association), le requérant se plaignait d’une ingérence injustifiée et disproportionnée dans l’exercice de sa liberté d’association.
M. Matelly alléguait également une violation de l’article 10 (liberté d’expression) compte-tenu du fait qu’aucune des publications de l’association auxquelles il avait participé n’avait été mise en cause par l’autorité militaire. Sous l’angle des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif), il se plaignait enfin de l’iniquité de la procédure suivie devant le Conseil d’État.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 6 février 2010.
L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Mark Villiger (Liechtenstein), président,
Ann Power-Forde (Irlande),
Ganna Yudkivska (Ukraine),
Vincent A. de Gaetano (Malte),
André Potocki (France),
Helena Jäderblom (Suède),
Aleš Pejchal (République Tchèque),
ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section.

Décision de la Cour
Article 11
La Cour décide d’examiner les griefs tirés des articles 10 et 11 uniquement sous l’angle de l’article 11. Ce dernier garantit le droit à la liberté d’association dont la liberté syndicale est l’un des aspects.
La Cour souligne que les dispositions de l’article 11 n’excluent aucune profession ou fonction de son domaine. Elles prévoient seulement, notamment pour les membres des forces armées, que des « restrictions légitimes » peuvent y être apportées par les États. La Cour rappelle que ces « restrictions légitimes » doivent faire l’objet d’une interprétation stricte et se limiter à l’« exercice » des droits en question, sans porter atteinte à l’essence même du droit de s’organiser. La Cour rappelle à ce titre que le droit de former un syndicat et de s’y affilier fait partie des éléments essentiels de cette liberté.
Concernant le cas de M. Matelly, la Cour estime que l’ordre de ne plus adhérer à l’association « Forum gendarmes et citoyens » a constitué une ingérence dans l’exercice des droits du requérant garantis par l’article 11. Cette ingérence était bien prévue par la loi, puisque le code de la Défense distingue précisément l’adhésion à de simples associations, permise, et l’adhésion à des groupements professionnels, interdite. Le Conseil d’État a en outre jugé qu’une association défendant les intérêts matériels et moraux des militaires appartenait à cette seconde catégorie.
Estimant que cette interdiction poursuivait un but légitime de préservation de l’ordre et de la discipline nécessaire aux forces armées dont la gendarmerie fait partie, la Cour se penche ensuite sur la question de savoir si cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique. Elle relève d’emblée que les dispositions pertinentes du code de la Défense, sur le fondement desquelles l’ordre adressé à M. Matelly a été pris, interdisent purement et simplement l’adhésion des militaires à tout groupement de nature syndicale. Si la Cour note que l’État français a mis en place des instances et des procédures spéciales pour prendre en compte les préoccupations des personnels militaires, elle estime toutefois que ces institutions ne remplacent pas la reconnaissance au profit des militaires d’une liberté d’association, laquelle comprend le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier. La Cour est consciente de ce que la spécificité des missions de l’armée exige une adaptation de l’activité syndicale qui, par son objet, peut révéler l’existence de points de vue critiques sur certaines décisions affectant la situation morale et matérielle des militaires. Par conséquent, elle souligne qu’en vertu de l’article 11 des restrictions, mêmes significatives, peuvent être apportées aux modes d’action et d’expression d’une association professionnelle et des militaires qui y adhèrent, tant qu’elles ne les privent pas du droit général d’association pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux.
Or, la Cour relève que l’ordre de démissionner de l’association donné à M. Matelly a été pris sur la seule base des statuts de l’association et de la possible existence, dans la définition relativement large de son objet, d’une dimension syndicale. Par ailleurs, les autorités n’ont pas tenu compte de l’attitude du requérant et de son souhait de se mettre en conformité avec ses obligations en modifiant les statuts de l’association.
En conclusion, la Cour estime que les motifs invoqués par les autorités pour justifier l’ingérence dans les droits de M. Matelly n’étaient ni pertinents ni suffisants, dès lors que leur décision s’analyse comme une interdiction absolue pour les militaires d’adhérer à un groupement professionnel constitué pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux. L’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte à l’essence même de la liberté d’association, une atteinte qui ne saurait passer pour proportionnée et n’était donc pas « nécessaire dans une société démocratique ». Dès lors, il y a eu violation de l’article 11.

Autres articles
La Cour examine sous le seul angle de l’article 6 les griefs tirés par M. Matelly des articles 6 et 13 de la Convention. Elle ne relève aucune apparence de violation à cet égard, ce grief est donc rejeté comme étant manifestement mal fondé.

Satisfaction équitable (Article 41)
La Cour dit que la France doit verser à M. Matelly 1 400 euros pour frais et dépens.

Opinions séparées
Le juge De Gaetano a exprimé une opinion séparée, à laquelle s’est ralliée la juge Power-
Forde et dont l’exposé se trouve joint à l’arrêt.

Arrêt ADEFDROMIL c. France (no 32191/09)
La Cour a rendu ce jour un arrêt de chambre dans l’affaire ADEFDROMIL c. France concernant également l’interdiction des syndicats au sein de l’armée française.
La requérante, l’Association de Défense des Droits des Militaires (ADEFDROMIL), avait été créée en 2001 par deux militaires, le capitaine Bavoil (alors en activé de service) et le major Radajewski, avec pour objet statutaire « l’étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels, des militaires ». À compter de juin 2007, la requérante initia plusieurs recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’actes administratifs dont elle estimait qu’ils affectaient la situation matérielle et morale des militaires. Le Conseil d’État rejeta ces recours aux motifs que l’association requérante contrevenait aux prescriptions de l’article L. 4121-4 du code de la Défense et qu’il en résultait qu’elle n’était pas recevable à demander l’annulation des actes en cause.
La Cour a également conclu dans cette affaire, à l’unanimité, à la violation de l’article 11 en raison de l’interdiction pure et simple faite aux militaires de constituer un syndicat ou d’y adhérer.

Les arrêts n’existent qu’en français.


DANS LE "POST" SUIVANT DE CE FIL DE DISCUSSION, LES ELEMENTS COMPLEMENTAIRES FOURNIS POUR LA PRESSE PAR LA CEDH

Les sources et références

AFFAIRE MATELLY c. FRANCE  (Requête no 110609/10)  et ADEFDROMIL c. FRANCE (32191/09) arrêts du 2 octobre 2014

Disponibles en ligne sur le site de la CEDH : http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra

où dans sa base de donnée HUDOC

http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/Pages/search.aspx



Si vous souhaitez commenter cet article, y réagir, débattre du sujet abordé, vous êtes invité à intervenir directement dans ce fil de discussion, pour nos contributeurs et auteurs, mais aussi à ce sujet dans notre espace « Débats d'idées » par ici :

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Message  Rédaction X Jeu 2 Oct 2014 - 21:14

COMPLEMENT FOURNI PAR LA COUR AU COMMUNIQUE DE PRESSE PRINCIPAL :

Questions-réponses sur l’arrêt Matelly c. France



Questions-réponses sur l’arrêt Matelly c. France

Ce document est un outil destiné à la presse dans le cadre de la notification de l’arrêt ci-dessus et ne lie pas la Cour.

1. Est-ce la première fois que la Cour se prononce sur la question des syndicats dans l’armée ?
L’article 11 de la Convention (liberté de réunion et d’association) garantit la liberté syndicale et n’exclut aucune catégorie professionnelle de son domaine d’application. La Cour a déjà eu à connaître d’affaires concernant la liberté syndicale au sein de la police et de l’administration (voir fiche thématique sur la Liberté syndicale). C’est la première fois qu’elle est spécifiquement saisie de cette question pour les forces armées.

2. Quelles seront les conséquences de cet arrêt? Est-ce qu’il donne aux militaires français le droit de se syndiquer ? Est-ce que la France va devoir autoriser les syndicats de militaires ?
L’arrêt de la Cour dit qu’on ne peut pas interdire purement et simplement les syndicats dans l’armée. En revanche, il précise que des restrictions (même significatives) peuvent être apportées à l’exercice de la liberté d’association par les membres des forces armées, puisque la spécificité des missions de l’armée exige une adaptation de l’activité syndicale. Cependant ces restrictions ne doivent pas priver les militaires du droit général d’association (dont le syndicat n’est qu’une modalité) pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux : elles peuvent toucher aux modes d’action et d’expression d’une association professionnelle mais pas à l’essence du droit lui-même, lequel comprend le droit de former et d’adhérer à une telle association. Or dans le cas de M. Matelly, il s’agissait d’une interdiction pure et simple d’adhérer à une association, décidée sans autres justifications sur la seule base des statuts de cette dernière.
Les parties ont trois mois pour demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Si une telle demande est faite et si elle est acceptée, la Grande Chambre réexaminera l’affaire et ne se prononcera pas avant plusieurs mois. Si l’une ou l’autre des parties ne fait pas de demande de renvoi, l’arrêt deviendra définitif et sera transmis au Comité des Ministres (l’instance de décision du Conseil de l’Europe) qui supervise l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il appartiendra alors à la France d’identifier les mesures à prendre suite à cet arrêt, sous la surveillance du Comité des Ministres.

3. Quelle est la situation dans les autres pays d’Europe sur cette question ? Devront-ils se mettre en conformité avec cet arrêt ?
19 des 42 États membres du Conseil de l’Europe dotés de forces armées ne garantissent pas le droit d’association à leur personnel militaire et 35 ne garantissent pas le droit de négociation collective (§ 35 de l’arrêt).
Lorsqu’un arrêt de la Cour devient définitif, les autres pays membres en tirent les conséquences et peuvent procéder à une mise en conformité pour éviter que des violations similaires de la Convention ne soient prononcées à leur égard.

Rédaction X
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